Le gouvernement kenyan expulse illégalement les Ogiek de leurs terres ancestrales en pleine visite officielle du roi Charles III

6 Novembre 2023

Une maison ogiek réduite en cendres lors d’expulsions illégales et brutales menées par les autorités kenyanes. © Anon

En pleine visite officielle du roi Charles III, les autorités locales kenyanes ont lancé une procédure brutale d’expulsion des Ogiek de leur territoire, situé dans la forêt de Mau.

Des gardes forestiers du Kenyan Forestry Service et du Kenyan Wildlife Service, soutenus par la police kenyane, sont en train de chasser illégalement jusqu’à 700 Ogiek de leurs terres, et cela au nom de la conservation. Des vidéos et photographies montrent des maisons détruites, certaines intégralement brûlées.

Des témoignages font également état de gardes forçant des habitants à détruire leurs foyers eux-mêmes afin de prétendre au départ volontaire des communautés.

Daniel Kobei, porte-parole du peuple ogiek et président du Ogiek People’s Development Program (OPDP) a déclaré vendredi : « Nous attendons du roi Charles qu’il demande au président du Kenya de respecter la loi. Les Ogiek de la forêt de Mau doivent jouir de leurs droits fonciers. » Il a ajouté que les Ogiek « vivent dans la terreur absolue » et « n’ont nulle part où aller ».

L’OPDP parle de ces expulsions comme d’une « crise humanitaire ». Les anciens du peuple ogiek ont tenté de dialoguer avec les autorités pour stopper cette brutalité, en vain. Pour certains, celle-ci serait liée au marché des crédits carbone, dont le gouvernement kenyan fait la promotion depuis le récent Sommet africain pour le climat, qui s’est tenu en septembre dernier.

Elisabeth Tabinoy, du peuple ogiek, est assise devant les restes de sa maison, brûlée et détruite au cours d’une précédente campagne d’expulsion. (Ngongeri, Njoro, Kenya) © Lewis Davies/Survival

Les autorités kenyanes présentent un long historique de violentes expulsions du peuple ogiek, détruisant  leurs maisons et leurs biens et allant jusqu’à tuer un habitant qui essayait de sauver son foyer. Les terres des Ogiek ont ainsi été cédées à des tierces parties, dont des politiciens corrompus, qui ont abattu une grande partie de la forêt et en ont retiré des bénéfices considérables.

Par conséquent, les Ogiek avaient défendu leurs droits territoriaux en justice et avaient remporté la bataille.  Deux jugements historiques de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (African Court on Human and Peoples Rights, ACHPR) ont en effet confirmé les droits fonciers du peuple ogiek dans la forêt de Mau. Dans son jugement de 2017, la Cour a notamment estimé que le gouvernement kenyan avait enfreint les droits territoriaux des Ogiek et a explicitement reconnu le rôle crucial de ces derniers dans la préservation et la protection de la forêt.

Néanmoins, en violation flagrante du jugement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, le gouvernement kenyan a continué d’expulser des communautés ogiek de la forêt de Mau, ce qui a obligé leurs représentants à se défendre à nouveau devant cette même Cour. En 2022, celle-ci a rendu un second jugement exigeant des réparations de la part du gouvernement en faveur du peuple ogiek du fait du non-respect de la décision rendue en 2017. 

Auparavant, l’administration coloniale britannique avait déjà expulsé de nombreuses communautés ogiek entre les années 1920 et 1940, sans la moindre consultation ou compensation, afin de créer des réserves de chasse et forestières. Depuis l’indépendance du pays, divers gouvernements kenyans ont maintenu cette politique, faisant de nombreux Ogiek des « réfugiés de la conservation ».

Les Ogiek sont un peuple de chasseurs-cueilleurs, dont la population est estimée à 20 000 à 30 000 personnes. Ils vivent dans des régions montagneuses de la partie occidentale et centrale du Kenya depuis des temps immémoriaux. Certains subsistent au cœur de la forêt, malgré les tentatives du gouvernement de leur interdire la chasse, tandis que d’autres ont adopté un mode de vie plus sédentaire, basé sur l’agriculture et l’élevage. 

Ces expulsions sont emblématiques d’une approche de la protection de l’environnement de type colonial, appelée « conservation-forteresse ». Particulièrement répandue, celle-ci consiste à considérer les peuples autochtones, pourtant les meilleurs gardiens du monde naturel, comme une menace pour la nature, à les chasser de leurs terres et à militariser ces dernières pour les empêcher d’y revenir.

Survival condamne les actions illégales du gouvernement kenyan, les expulsions et persécutions des Ogiek, ainsi que les violations répétées des jugements de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Nous appelons les autorités à faire respecter l’état de droit et à reconnaître les droits des Ogiek sur leurs terres, ainsi qu’à octroyer des réparations aux communautés ayant subi des attaques répétées et la destruction de leurs biens.

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